les cordonniers les plus mal chaussés

 

Force est de constater que parmi les psys, beaucoup sont les cordonniers les plus mal chaussés.

À commencer par moi-même.

 

Face à l’adversité, où se mêlent éléments émotionnels et éléments factuels, lorsqu’il s’agit des Autres, je n’éprouve aucune difficulté à faire la part des choses (sauf quand je suis happé moi-même par mes propres émotions).

Et même quand c’est difficile, j’use d’outils et d’artefacts pour tenir face à cette difficulté.

 

En revanche, lorsqu’il s’agit de moi-même, c’est une toute autre histoire.

Je n’arrive pas à faire la part des choses, je confonds, je fusionne, je confusionne… Et j’en passe.

La difficulté, c’est de m’extraire de moi-même, de faire abstraction de ce que je suis, de prendre de la hauteur, du recul, bref de me détacher de ce que je suis.

 

Or, je suis ce que je suis, je suis aussi ce que j’étais, je suis aussi ce que j’ai été, je suis aussi ce que j’aurais pu être, ce que j’aurais du être, ce que j’ai imaginé que je serais, ce que j’imagine que je suis, ce que j’imaginais que j’ai été, ce que je croyais être, ce que je croyais avoir résolu dans mon être… Etc… Etc… Etc…

 

Hé bien… Ça fait un paquet de monde tout ça et je ne suis pas certain d’accepter que toutes ces bonnes gens (je commence à prendre de la distance vis à vis de moi-même ?) soient moi.

L’Unicité de ma propre existence est quand même rassurante… La multiplicité et la complexité, voire même la duplicité de ces différentes bonnes gens… me compliquent la vie.

Comme pour tout le monde par ailleurs…

Mais aujourd’hui, le « tout le monde » étant moi, ça ne me rassure pas de me considérer comme tout le monde…

 

L’autre jour, je suis sorti d’un rendez vous professionnel, – totalement différent d’une « rencontre » avec un client ou d’une séance avec un patient -, sidéré.

La sidération est, une protection psychique, qui permet de suspendre le processus de la psyché qui, s’il continue, risque de s’anéantir.

 

Je me rends compte que la sidération est un état qui m’arrive lorsque les choses m’atteignent profondément et qu’elles ne sont pas justes.

 

L’injuste provoque chez moi de la colère quand il s’agit des autres et de la sidération quand il s’agit de moi.

 

Ce jour là, j’aurais du comprendre, lorsque je suis sorti de ce rendez vous là, les causes de ma sidération.

Il y avait de la lassitude, de l’ennui, et cette hydre répétitive qui venait à moi me disant : « Encore… Encore… » comme une demande langoureuse quelque part, lancinante d’autre part et terriblement lassante…

Comme ces vieilles comédies de bas de gamme que l’on a déjà vues, déjà entendues, déjà revues, où les choses sont tellement convenues que on anticipe même le moment où il faudra rire et pleurer…

 

Ma sidération était telle que je n’ai pu sortir mes émotions de la digue que le surlendemain…

La rage ne m’a envahi que quatre jours plus tard… C’est dire combien les vieilles rengaines sont de véritables gaines qui empêchent de penser/panser/bander.

Quatre jours pour sortir de chez soi, quatre longs jours où il s’agissait plus de revisiter le passé que de me tourner vers le futur…

Quatre jours où j’ai été incapable d’en dire quoi que ce soit de juste, incapable d’écrire, on ne peut pas écrire quand on ne peut pas (s’é)crier…

Quatre jours où je perdais mes mots, la dyslexie était tellement présente… Puissamment aidé par une impossibilité de penser, bien évidemment d’associer… Je me suis pris un mur et je crois que je savais plus où était la porte de sortie…

 

Heureusement que j’ai été soutenu et aidé…

Mais cette souffrance là, cette traversée là, m’ont aussi permis, les quatre jours passés, de recomposer les choses, de repenser les choses et de se remettre en ordre de marche…

 

Vers l’avant.