la traite des blanches…

 

La jeune femme est arrivée, il y a quelques mois dans ce service.

 

Le président l’a repérée à Tallinn lors d’un congrès où elle s’est faite remarquer.

Il l’a conviée à un stage, puis lui a proposée un emploi.

Son emploi lui permet d’avoir des papiers officiels pour travailler en France.

Elle est jeune, elle est belle, elle est mignonne à regarder. Se dégage d’elle la beauté de la jeunesse, la naïveté d’une fille frêle et fragile qu’elle aimerait être…

Lui, lui a tout offert… Appartement, papiers, vêtements…

Il en est tellement fier qu’il l’amène partout lors de ses diners, ses repas d’affaires, elle fait sensation.

 

Paris est si beau. Si grand, si magnifique…

Ses yeux bleus fixent les murs comme s’ils n’existaient pas, comme si derrière ceux-là, un autre monde existait, un monde du nord, de lacs, de mers froides, d’hivers longs…

 

Au quotidien, elle s’habille comme elle a vu, dans les rues de Moscou quand elle est allée en visite chez une tante.

Tenues provocantes, presque vulgaires, des pantalons blancs moulants sur des strings blancs, des décolletés pigeonnants et des talons hauts…

 

Les hommes de son service ne peuvent s’empêcher de la regarder passer, de la reluquer, de la mater… de baver même…

Telle une proie ils ne peuvent s’empêcher de fantasmer sur cette jeune fille… Même si, pour tout le monde, il est convenu qu’elle appartient à leur patron…

 

Puis un jour, le chef de service n’en peut plus.

Il l’appelle dans son bureau, ferme la porte à clé.

La déshabille du regard et passe à l’acte.

Il la veut.

 

Elle ne veut pas porter plainte, par égard à son patron à qui elle doit tout ce qu’elle a aujourd’hui… Si elle démissionne, elle doit retourner chez elle, là bas, là haut, dans ce pays froid.

Elle ne veut pas porter plainte, elle n’en parle à personne… Elle subit quelque chose qu’elle ne comprend pas… Elle ne comprend pas pourquoi, cette tenue là, ce corps là, est devenue un enjeu…

 

Le chef de service est le successeur de son patron, ils font le même métier.

L’un a le pouvoir d’aller la chercher, la déraciner, la soumettre à ses fantasmes de jeunes colonisateurs du monde moderne.

L’autre s’est senti libre de commettre l’irréparable… de toutes les manières, c’est bien connu, une esclave-objet ne ressent rien.