Caravanes

 

Les chiens aboient, la caravane passe.
Et les caravanes apportent dans leur transhumance, des nouvelles des contrées d’ailleurs, là où les esprits emportent leurs émotions dans le temps.

Les caravanes apportent aussi avec elles les denrées rares qui s’échangent avec les produits de l’oasis.
Mon oasis, peuplé de bambous, propose des denrées venues d’ailleurs, retravaillées ici et la, parmi tant d’autres possibles entraperçues…

Je me demande toujours, assis sur mon fauteuil, dans cet oasis, en regardant ces caravanes, laquelle je vais choisir pour m’évader.

Celle qui vient du Nord avec les vents froids et des poissons séchés ?
Celle de l’Ouest, si dense et âpre, qu’elle ne laisse aucune chance à l’imaginaire ?
Celle du Sud avec son sel, ses épices, ses piquants et ses douleurs ?
Celle de l’Est, celle des déserts froids, avec ces lots de grigris et de porte bonheur qui font le tour du monde ?

Et en dehors de ces quatre points cardinaux, ne pourraient elles pas venir d’ailleurs, emportée par une perséide sublime estivale ou une tramontane douce et subtile ?

J’imagine dévaler les flancs du Canigou après être allé sur les contreforts du Saint Martin, me téléporter sur le Kilimandjaro et atterrir sur les Andes… Et pourquoi oublier la belle grande Sibérie et les îles du Pacifique, pourquoi pas Sainte Hélène, perdue au milieu de l’Océan ?

Mais qu’est-ce qu’une caravane ?

Assis sur le banc avec la-le patient-e, nous voyons ensemble, l’un à côté de l’autre parfois, l’un en face de l’autre d’autres fois, moi sur le chemin, l’autre sur la colline, ces caravanes de la vie qui passent…
Les chiens aboient, pour prévenir d’une éventuelle menace, qu’est ce que c’est que cette chose qui traverse mon paysage psychique et qui entre en collision ? Non. Pas en collusion… Ni en illusion, sans allusion…

Parfois, ce sont les mêmes qui repassent régulièrement comme le facteur… Qui déposent un courrier simple de publicité comme ceux que l’on reçoit tous les jours… Untel vante une voiture, l’autre une assurance… Des banalités de la vie quotidienne…

D’autres fois, c’est une caravane… Interminable… Indéterminée… Minée, acheminée depuis des années… La mine déconfite, fatiguée par le temps… Qui, suspendu dans l’instant infini devient interminablement indéfini… Ah… Ces temporalités magiques qui se transforment de manière kaléidoscopique…