répétitions, trouver sa voi-x-e

 

Tu sais, je me demande si c’est possible d’arrêter de répéter les choses… cela fait des années que cela dure… je me demande si c’est possible de penser autrement les choses… cela me lasse depuis toutes ces années où je ressasse ce qui a eu lieu et qui n’a pas pu être dit à ce moment là… je me demande si vraiment j’en serai capable de lui dire les choses en face en l’affrontant vraiment les yeux dans les yeux… cela fait si longtemps que ce silence dure et qu’il est si pesant, tu sais, toutes ces fêtes familiales qui reviennent tous les ans, comme les cycles qui se poursuivent même si de nos jours les saisons n’existent plus… Tu crois que cela me serait possible d’en parler encore une fois au coin du feu, se dire les choses sans énervements et sans violences dans ce lieu où tant de choses se sont passées et où tant de choses ne seront jamais dites ? Dis, tu crois que c’est possible de changer ses rituels encroutés sous le poids des ans et qui ne cessent de se sédimenter comme le limon au fond des rivières qu’il faut draguer tous les ans, faire remonter ces choses enfouies mais qui ne cessent, par leurs tourments, refaire surface comme des vieux fantômes endormis dans les parchemins ? Dis, tu crois, toi qui fais ce métier d’archéologues ou à fouilleur de merde, de fouine, tu y crois encore qu’on peut sortir de ses circonvolutions éternelles des choses qui reviennent et qui, en revenant sont tellement plus rassurantes… la même maison, la même rue, les mêmes lampadaires, les mêmes arbres… et pourtant, l’air n’est plus la même, il a changé, l’air peut sembler plus léger, plus aérien… c’est indéfinissable…

Vous parlez comme dans une chanson.

Tu crois ? Depuis si longtemps que j’ai cette même rengaine dans ma tête, que le même rythme revient, que les choses sont pareilles… se lever, se laver, aller travailler, manger, rencontrer des gens… depuis si longes cette répétition des choses… tu crois que je peux m’en sortir, moi qui fait toujours les mêmes choses ? Tu crois ça toi ? Vraiment ? Et qu’est ce que t’en sais d’ailleurs ? Toi aussi tu fais la même chose, tu répètes la même chose, assis sur ton fauteuil à attendre le temps qui passe, immuable dans la permanence du cadre comme si ce cadre était toujours le même, le rassurant du même, le truc qui continue d’être pareil, comme un vieux machin désuet qui semble être hors du temps, muséeifiée, fossilisé, comme si, le poids et la présence du temps étaient là dans le fait même que le fauteuil est vieux… t’y crois toujours toi ? Même les musées changent, toi tu vieillis, tu y crois encore ?

Le cadre, c’est comme un canevas.

Ah oui, le cadre, le canevas… tu me fais rire avec ta notion de prison dorée imaginaire où la pensée est enfermée comme mis sous les verrous, comme avec une chaîne et son pendant, le cadenas… cadre, canevas, cadenas. Purée. Moi je te demande si je peux changer et toi tu me proposes toujours la même chose… vieille chose inopérante qui ne cesse de répéter les mêmes « frames » comme dans le cinéma muet où bien sur, le message passe, sans effets spéciaux… mais quand le message est toujours aussi rouillé, pfff… a quoi bon secouer ce vieux tapis…

Sans repère, pas de transformation.

Foutaises ! Conneries ! Connard ! Je n’ai jamais eu de père !