panne d’imaginaires

 

Voilà.

Elle rentre, elle est chargée comme un boeuf, elle est allée faire des achats…

A chaque fois qu’elle vient, c’est la même chose…

Elle est ronde, dodue, elle vient, chargée de sacs… La dernière fois, elle était allée chez Armand Thiery. Aujourd’hui, c’est Jennyfer. La première fois, c’était Pimkie…

Et moi, envahi par son parfum qui la précède, je me demande toujours si elle n’a pas vidé la moitié de sa bouteille avant de venir, je me sens embaumée, enseveli sous cet odeur, comme enivré et ayant la gueule de bois.

 

Elle s’assoit, elle est en colère (pas contre moi), elle essaie de parler… de me faire comprendre sa douleur, sa souffrance… et j’ai tellement du mal… tellement du mal à injecter, dans cette relation embaumée par ces odeurs de parfum qui me donnent le tournis, le minimum d’empathie… et de mobiliser ma capacité à me mettre à sa place, à penser à sa place, à imaginer…

Paf, l’odeur, ses sacs, sa manière de s’avachir sur la chaise, me renvoient à la torpeur, au recul, voire au rejet.

 

Beurk !

 

Ah non, je ne dois pas…

Et je rame dans ma panne.

J’essaie de réamorcer la pompe… Ma pompe à empathie, ma pompe à écoute, ma pompe à penser, ma pompe à éprouver, ma pompe à imaginer.

Et paf.

C’est la panne.

 

La pauvre, elle est paumée.

Elle a certainement pleins de choses à me dire et au fur et à mesure que la séance avance, j’ai l’impression que l’hygiaphone invisible s’interpose entre elle et moi, comme une montée des eaux, montant inexorablement du sol vers le plafond…

 

« Nous en resterions là pour aujourd’hui ? »

« Oui, docteur. Vous me donnez un autre rendez vous ? »