cordouan

Ils tournaient en rond depuis plusieurs jours, maintenant que le temps est devenu plus clément et plus calme…

Ils étaient venus ensemble, eux qui ne venaient jamais ensemble.
Ils regardaient les murs, les fenêtres, se remémoraient les forces de l’Océan qui s’étaient abattus sur eux, toutes ces tempêtes traversées, les grincements des pierres face aux déferlantes des eaux…

Demain, ils vont regagner la Terre, cet endroit auquel je suis lié mais où je ne suis jamais allé, cet endroit d’où ils venaient tous les quinze jours, vivre avec moi.
Ils n’étaient pas toujours très heureux de venir, parfois ils étaient même triste d’avoir laissé leur femme et enfants et de se retrouver dans ces murs.
D’autres moments, c’était leur refuge, leur nid, leur coin de paradis…

Demain, c’est fini.
Et je vais rester seul… Phare dans cet océan, d’où les hommes auront déserté.

Demain, La vie me quittera, je ne vivrais plus que l’été lorsque j’aurais à accueillir les cris et les regards étonnés des enfants qui graviront toutes ces marches à la recherche de la plus belle vue au-delà des horizons.
Mais plus personne pour me défendre contre les éléments et m’accompagner dans ma solitude…

(le 30 juin 2012, les derniers gardiens de phare des phares français quittent le phare de Cordouan après 35 ans de service. Je tenais, quelque part, par ce lien magique que j’entretiens avec ces phares, à rendre hommage à ces travailleurs de l’ombre et de l’extrême).