flétrissures meurtrissures et autres blessures… avant les moisissures

 

Tu assures.
Comment ca ?
Oui. Je t’assure.
Tu es sûre ?
Oui, cette porte l’est. Sûre.
Elle nous contient bien alors.
Oui. Dès lors qu’elle est en dehors.
Ah oui. J’avais oublié que nous étions samedi.
Je sais. Tu ne me l’as pas dit.

 

La rose qui, ce matin, avait éclos-e, osons la faute grammaticale comme une avancée… Donc, la rose qui, ce matin, avait éclose, près que l’écluse, vient de trouver porte close, sans cette issue sans muse.
N’importe quoi.

Elle s’est fanée ta rose, perdue les épines, perdue dans les instants arrachés et peut-être gâchés, entre deux eaux moments dont il ne nous est plus possible de remonter le courant de la vie.
Elle s’est fanée faute d’eau, de soleil, d’éléments.
Elle s’est peut être fanée parce que personne ne pouvait, ne voulait en prendre soin.

Pourquoi soigner cela alors, lorsque les choses ont perdu leur sens premier ?
Elle s’est flétrie, le temps marque sur le corps les traces indélébiles de manque de lumières ouvertes sur le monde, le temps marque sur les esprits des soubresauts d’humeurs non déliés, comme si, les esprits avaient peur du manque d’humours des uns et des autres.
Elle s’est flétrie, parce qu’elle s’est tue, que la curiosité n’est plus, que le désir a quitté la place, que la vie se recroqueville dans la succession du temps qui se répète… Printemps été automne hiver printemps été automne hiver printemps… Tic tac. Tic. Tac. Tic tac. Les vieux ne parlent plus… Traverser le présent en s’excusant déjà de n’être pas plus loin…
Peut être fallait-il rallumer le feu, remettre encore une fois le cœur à l’ouvrage, souffler sur la braise qui, sous les cendres tièdes, s’éteignait de lui-même. Peut-être. Pour retomber dans les mêmes travers, dans les mêmes rythmes, dans les mêmes mélodies, les mêmes vieilles rengaines ? Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit…

 

Des pieds nus qui dépassent d’une table, train bondé d’un jour de grève, des rencontres éphémères diffuses et agréables…
Éphémère suspension du temps, une mise au vert, une mise à l’écart, presque la quarantaine des années mortes… Etre devenue paria, persona non grata dans sa propre maison, dans sa deux-meurent, dans son intérieur, en dehors du temps…

 

Je suis meurtrie, dit-elle.
Ah.
Meurtrie de réaliser que le désir n’est plus. Que il est mort, là. Pourtant j’ai lutté contre moi pour contrer cette mort, contenir la fin, éprouver un nouvel élan, croire…
Meurtrie de comprendre qu’il y a une fin à une histoire que je croyais sans fin, comme une analyse avec fin ou sans fin, terminable ou interminable, comme la vie, en fait, on ne continue pas tous les jours en pensant à sa propre mort… vous êtes d’accord que ça s’arrête un jour ?
Je me complais dans des illusions psychiques sur lesquelles je m’appuie pour penser d’aller en avant. Ou reculer peut être parfois dans ce va et vient douloureux.

 

Puis, à l’angle d’un moment suspendu, un instant de paix, une ombre surgit, tapie je ne sais où dans un recoin malicieux.
Elle se faufile, elle s’insinue, elle s’instille, elle s’installe…

 

Je ne savais pas. Je ne l’aurais jamais cru.
Ah ? Vous n’auriez jamais pensé ?
Non. Je dois être bien naïve mais non, je ne pouvais pas l’imaginer. Pas un seul instant, je ne pouvais l’imaginer. Non.
Je faisais une confiance aveugle aveuglée aveuglante.
Pourtant, vous aviez fait la même chose ?
Oui. Cela me lève ma culpabilité mais cela m’enlise dans la crédulité. D’autant que je ne veux pas savoir, je ne peux que comprendre et pardonner. Accepter.
Vous pensez vous faire du mal.
Certainement. Mais je ne le veux plus.

Je panse mes blessures, je pense mes blessures… tu es sûre… sur ? A propos de ?
Oui, elle était un peu facile celle là, entre panser et penser, la nuance d’un « a » posé à côté du « e », d’eux… ae comme lingae… un linge auquel se mélange un « ah »…

Tu crois vraiment que les choses iront mieux quand je serai guérie ? Guérie de quoi, des blessures narcissiques ?
La haine aurait pu envahir l’espace avant même que le plaisir n’ait déserté les lieux, la haine aurait pu tout détruire avant même que le désir n’ait pris la porte.
J’aurais pu continuer de croire que cela pouvait être autrement, que les choses pourraient être vécues différemment, que les choses deviendraient comme avant. Illusion d’optique psychique de croire que le avant pouvait/pourrait se retrouver dans l’à-venir.
Oui, penses-tu vraiment que les choses sont plus faciles quand tu peux y croire ?

 

Je me perds… Je me réveille, je sursaute, je tressaute et je reprends la route.
Ai-je bien fermé la porte ? Oui.
Les clefs sont sur moi.
Tu as fermé la porte du garage ?
Oui. Oui, j’ai déjà fait le tour.
Tu as bien pris les clefs de la maison ?
Oui oui, je te l’ai dit.
Ah. D’accord… ça va alors. T’as fait ce qu’il fallait.

 

Les paysages défilent et le soleil me tourne le dos.
Je ne me retourne plus aussi souvent qu’avant de là où je viens, même si je ne sais pas où je vais, je sais que je continue de cheminer.