hordes sauvages

 

Je n’ai pas envie de plaisanter avec les hordes sauvages lorsque ceux ci entrent par la porte, crient, braquent, dévastent tout et ressortent par la même porte, nous laissant anéanti, coi, vide, détruit.

 

Attila sur son passage ne laissait plus l’herbe repousser. Moi j’ai l’impression parfois d’être ces herbes folles, de ces prairies vertes et paisibles où paissent les animaux que des générations entières d’humains ont servi à dompter… Et voilà que les déferlantes arrivent, par la porte, par la porte, par la porte… Portées par je ne sais quelle force bourrée de haine, elles se déversent sans fin.

 

Normalement, la civilisation, l’Oeuvre civilisatrice qui a fondé des règles entre les humains, devrait réguler, contenir, apaiser ces hordes sauvages venues de nulle part, émergées du néant, arrivées sur le séant et dont on aimerait penser quelles ne sont pas humaines…

 

Les hordes sauvages, au nom de Je ne sais Qui, traversent doublement et piétinent plusieurs fois le même lieu. Masqués ils avancent, jusqu’à ce que le masque se fende en deux, révélant le Mal brut profond, noir, douloureux…

 

Ah, ce désir civilisateur qui aimerait tellement que Thanatos soit vaincu, lui qui ne meurt jamais, puisque déjà mort…

De le/la faire reculer…

 

 

Ils sont allés la chercher loin, dans un pays où la misère permet aux plus offrants d’acheter un enfant.

Ils sont allés loin, très loin, prendre cet enfant qui avait déjà été élevé dans un centre, qui avait déjà reçu une éducation, appris une langue, rêvé, grandi…

Ils s’étaient mariés, lui 25 ans de plus qu’elle, elle venait de perdre son père, elle en a trouvé un autre, elle n’a connu que deux hommes dans sa vie. Son père et son mari, presque du même âge que son père.

Elle est croyante, très croyante, la religion est harnachée à son corps, elle est dévouée corps et âme au Livre.

Lui a eu une mère comme elle, très croyante aussi, une première épouse, très croyante aussi… Il a trouvé une jeune petite mère, une seconde jeunesse et les voilà arrivés au bord de la Volga, devant cette porte en fer, devant l’orphelinat

 

Elle est arrivée dans un autre pays où les couleurs, la lumière, les odeurs, les voix, les musiques ne sont pas les mêmes… Elle a continué à grandir, elle a continué à essayer de les aimer, à rêver que la greffe prenne, elle qui n’avait pas choisi de venir, elle qui était là, transportée à l’autre bout du monde, cette petite fille blonde aux yeux clairs, une très jolie fille qui ressemble comme deux gouttes d’eau à sa mère… Adoptive

 

Puis au fil des jours, elle a compris qu’elle ne comprendrait jamais pourquoi une chose posée à un endroit à un moment donné ne pouvait pas être ailleurs. La nappe se plie dans un sens jamais dans l’autre. Les livres sont alignés, dans un sens et non dans l’autre. D’ailleurs, le peu de livre qu’elle a, ne parle que de Jésus.

On lui avait parlé de lui loin là bas, là où les églises portent des coiffes en forme d’oignon, on lui avait montré les enluminures devant lesquelles les femmes pouvaient pleurer pendant des heures. On lui avait parlé de lui, mais jamais, on ne l’avait frappée à cause de lui.

 

Un soir, sa mère l’avait punie, elle a du se mettre nue, poser ses deux mains sur la table et elle avait été frappée. Frappée à la cravache quinze fois, comme Jésus qui avait souffert sur sa Croix.

 

Le lendemain, sa maîtresse lui avait demandée pourquoi elle portait un collant si épais quand il faisait plus de 25 degrés. Elle n’avait pas osé lui dire, même si elle était si gentille la maîtresse mais elle savait que si elle voyait les traces de coups, elle serait enlevée à cette famille là… Elle avait déjà été emmenée ailleurs… Elle ne voulait pas retourner là d’où elle était déjà venue.

 

Elle ne comprenait pas pourquoi son père s’enfermait dans son bureau toute la journée. Un jour, la porte était ouverte et elle a vu ce qu’il faisait. Il regardait des vidéos où les femmes étaient nues, attachées à une croix.

Elle avait pensé que c’était normal, encore une qui était punie comme Jésus avait souffert sur la croix.

 

Puis, un jour, les gendarmes sont venus. Ils ont pris l’ordinateur, sa mère hurlait dans son coin, elle priait. Ils sont partis avec le père.

 

Des femmes gentilles l’ont accueillie dans une nouvelle maison, dans une autre famille et une grande dame très gentille avec des yeux très doux lui a expliqué pourquoi elle devait se séparer un peu de ses parents. Elle a simplement oublié de dire qu’ils étaient des parents adoptifs. Elle lui en parlerait plus tard.

Elle a expliqué que ce qu’ils avaient fait été mauvais, qu’ils seraient punis.

Elle a demandé à cette dame s’ils seraient fouettés. Elle a dit non, mais qu’ils iraient en prison, et elle a ouvert une autre porte en disant : « Toi aussi tu as été frappée ? »

 

Elle n’a pas pu s’empêcher de répondre « Da », en s’excusant de parler russe. Alors la grande dame a commencé à lui parler russe aussi, avec un joli accent français et elle faisait pleins d’erreurs, mais ce n’était pas grave, ces sons là étaient plus familiers que les sons de cette terre étrangère…

 

 

Cette histoire n’est pas une fiction. Et je crois qu’elle se passe de commentaires…