esprits, est pris, épris, et le prix ?

 

On m’appelle. Qui m’appelle ?

Ce pays est puissant, il dirige son monde… Selon les vieilles croyances, ce pays a été bâti par les dieux… Ceux du coin, ceux du cru. Et d’autres en ont fait des Dieux puissants… Pour servir toujours les mêmes puissants.
Ça, c’est toujours la même histoire de domination et de soumission. Cela ne change pas beaucoup, quelque soit la couleur du dieu.
Mais ce n’est pas ce dont je voulais parler… Mais de ces appels… Ces esprits auxquels je suis sensible, trop certainement, ouvert, proche. Ils viennent et ne me font pas peur, je les respecte humblement en m’autorisant à me laisser passer, à me laisser faire… Me laisser faire…
En étant d’une part soumis à ces forces sans en être esclave…
Eux ne peuvent plus agir qu’indirectement, tant dis que moi je peux encore agir… Et les aider…
Aider… Répondre aux demandes, à ces appels au secours… Secourir… Mon travail ?
J’ai vu un panneau, comment agir en cas d’urgence, sur le bateau qui nous ramène de Shikoku.
Il indique que les soldats, les policiers, les pompiers qui seraient sur le bateau pourraient être sollicités pour aider les autres passagers… Mais il y a deux métiers en plus de ceux là auxquels moi, je n’aurais jamais pensé…
Prêtre et guide touristique.
Mais prêtre chrétien. Étrange panneau dans ce pays non chrétien…
Alors qui m’appelle ? C’est toujours la nuit dans mon demi-sommeil, dans cet état de transe que les choses se réalisent… Ils viennent et s’adressent à moi à travers le corps, ils me tirent, ils m’aident aussi…
Avant de m’endormir, j’ai mal au dos, le sac à dos était un peu charge, après la montée vers le dernier temple… Puis le matin, après leur passage, plus rien… Simplement de la douceur…
Leur acte est gratuit dans le sens où je n’ai rien demandé. Je ne sais pas ce qui se passe si on ne les remercie pas pour leur geste. Et me voilà à poser des questions précises sur les dieux du coin…
Y a pas un temple shintô dans le coin ? Nan euh… si… y en a un à trois minutes plus bas sur la route.
Oui je l’avais remarqué mais « je sais » que ce n’est pas ça… Non.
De plus, c’est un temple qui honore les Inari, les renards…
De toutes les façons je sais. Y a un chemin, en face de la maison… Qui tourne… Qui se replie et se déploie.
A mon passage un chien hurle… Un étranger sur le territoire… Prévenir… Le matin est frais, il pleut, il fait gris, le sous bois est étrangement éclairé. Au fond de moi j’ai un peu peur mais je salue la montagne, la montée…
Puis, une tombe… Deux tombes… Les gens du coin, les ancêtres de mes voisins temporaires… Je monte…
Vingt minutes de montée, plus je monte et les corbeaux hurlent…
Un étranger sur le territoire…
Mais l’étranger sur le territoire n’est pas apatride ici. Je me sens chez d’autres tout en étant chez moi et je trouve vers la fin des tombes sans nom, des oublies, pierres rondes recouvertes de mousses…
Pourtant je sais que ce n’est pas fini. Je n’ai pas fini de faire le tour…
En redescendant, je passe un pont sur une jolie cascade comme il y en a des milliers sur ce pays de montagne… Tiens d’autres tombes… A l’écart de ceux du village… Puis au milieu du champ, un tout petit minuscule temple shintô « privatif »… Puis un autre plus loin, mieux entretenu, plus récent aussi.
Voilà…
Je sais que c’est la dans le petit temple… Que l’esprit est venu me voir… Je n’ose pas ouvrir les fenêtres fermées depuis si longtemps… Je salue, je pars.
C’est le lendemain matin que les choses se corsent… S’agitent…
L’esprit du coin a compris que je pouvais les entendre… Et c’est le matin du départ… Ils mettent le paquet…
Il me montre ce qui s’est passé, le manque de repos, l’ancre… L’encre…
Il me réclame quelque chose que je possède que j’ai achetée dans un autre temple quelques jours plus tôt, une représentation d’un jizo (dieu du coin et aussi des enfants morts…) que j’ai pris sans conviction.
Voilà… Ça agitait, agissait depuis quelques temps… Ça flottait dans l’air…
Je traverse le village en pyjama, saluant les villageois si nombreux ce matin là… Bizarre dans un trou paumé.
Je dépose le jizo sur l’autel.
Jour de soleil… Jour d’été.