ces pieds qui dépassent…

 

La première fois que je l’ai vue, elle était triste.
Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait, pourquoi sa chef hurlait et criait dans le bureau sans qu’aucune raison ne lui soit expliquée.

Puis un jour, effondrée, elle arrive chez son médecin qui me l’adresse.

 

Une très jolie femme, ma foi, célibataire, immigrée de fraîche date, la France était, il y a encore quelques temps, auréolée de son « aura » international… Le pays des « droits de l’homme »…
Et ceux de la femme ? L’ai-je interrompu.

Elle m’a regardé, interloquée, comme si je venais de dire un gros mot avec une série de noms d’oiseaux en vol migratoire…

 

Les séances passent, son sourire revient, elle s’esclaffe, elle se détend, elle s’anime, s’agite parfois.
Le maquillage se fait de plus en plus féminin, les lèvres sont rougies par des rouges dont les teints changent au gré des saisons.

Les saisons se faisant meilleures, son décolleté devient plus suggestif, son féminin ressort.

Ce qu’elle me dit, ce que le corps contredit, est toujours aussi contenu dans ses remarques qui vont de droite à gauche, de bas en haut, de longs en larges… qui se promènent.

Toujours est-il qu’elle ne cesse de jouir de venir me voir, de jouir tout court sur le fauteuil.

Elle rit aux éclats.

La Croix qui orne son décolleté fait mine d’arrêter toutes propositions indécentes des hommes qui l’entourent, qui la croisent, qui la félicitent, qui se retournent sur son passage.

Elle n’en a cure…

 

La dernière fois, elle portait des petites bottines en cuir noir, avec un talon d’une bonne dizaine de centimètres qui dépassaient le seuil de mon bureau. J’entrevois ces pieds fins qui se baladent et qui mènent une danse éphémère à laquelle j’assiste…

J’apprends qu’elle rentre chez elle.

« Ah ? »

Tout sourire aux lèvres, les yeux brillants : « Oui, Monsieur. Je me marie. »