mon écoute… évolue ? change ?

Je me suis dit et j’ai dit que mon écoute évoluait.
Euh… changeait.
En effet. Elle change.
Mais en fait. Comment change-t-elle ?

C’est ma question récurrente.
Depuis longtemps, je constate, à posteriori, dans l’après-coup, que mon écoute a changé. Quelle banalité, n’est-ce pas ?

Cet après-midi, une dame est apparue. Un quart d’heure avant son heure de rendez-vous. Dans mon esprit, quand « rendez-vous » est pris à midi, ce n’est pas à midi moins le quart que l’on se présente au « rendez-vous » mais à midi.
Non, cette dame, qui ne trouvait d’ailleurs pas le bouton de l’interphone pour ouvrir la première porte, prit le temps de m’adresser un texto pour me demander comment ouvrir cette fichue première porte… qui, manifestement lui résistait.

Elle me dit que c’est la première fois qu’elle vient voir un psychologue qu’elle a peur que je farfouille dans son cerveau, que je devine tout. Comme le grand sorcier manitou chez qui les âmes seraient livrés à l’air libre, tel un fruit coupé en deux. Ou en quatre. On coupe bien les cheveux en quatre non ?
Une fois rassurée, les choses s’estompent et les contrastes émergent d’eux mêmes, comme de nombreuses ombrelles sous un ciel de plomb, l’été a Kyoto.
L’enfance, le père décédé il y a quelques années, la perte de repères, les contraintes du non dit et un mari perdu.
Que dire ?

Je viens de dire plus haut que mon écoute changeait.
Les nouveaux patients pensent qu’ils vont à un cabinet médical avec tout ce qui y correspond. Une salle d’attente, une secrétaire faisant office de gardienne du temple.

Non, chez moi, je gère moi même mon agenda, je n’ai pas docolib, excusez moi. J’ouvre et j’accueille les patients et la salle « d’attente » n’existe pas.

C’est moi qui attend. A l’heure.

Son quart d’heure d’avance n’avait rien de rédhibitoire, ma précédente consultation étant terminée bien avant.

Être à l’heure est un indicateur. Être en retard de manières récurrentes l’est tout autant. Être en avance aussi.
Chacun interprétera selon le patient qui vient pourquoi cette avance ou retard est si signifiant. Elle traîne des pieds pour venir me voir ? Elle vient en courant ? Autant de projections identificatoires qui, pris hors de leur contexte ne signifiraient pas grand chose.
Mon père disait qu’on ne faisait jamais attendre un aîné. Lorsque nous avions rendez-vous, que nous nous retrouvions à Paris, nous disions une heure. Je savais qu’il serait sur le lieu un petit quart d’heure avant. Et moi, j’arrivais vingt cinq minutes avant pour attendre mon aîné.
C’etait encore une époque où le téléphone portable n’existait pas. Un vieil ami africain à moi, à l’inverse, arrivait systématiquement une heure et demi en retard. La première fois, cela m’avait un tantinet irrité. J’étais habitué à être à l’heure comme il m’avait été donné à voir. La seconde fois, j’étais encore à l’heure et lui en retard. Je lui ai signifié les deux fois mais cela l’embêtait mais il y avait toujours quelques petits incidents qui faisaient que cela ne marchait pas. La troisième fois, je suis arrivé une heure plus tard pour l’heure du rendez vous. Et voila que je me faisait engueuler parce qu’il attendait depuis vingt minutes ! Nous avions beaucoup ri. Les fois suivantes, nous fixions rendez vous une heure et demi avant l’heure demandée.

Qu’avais-je envie de dire en racontant tout ça ?

Le plus rigolo, c’est de se rendre compte qu’on en sait rien. Comme les patient-e-s quand ils nous racontent des anecdotes de leurs vies quotidiennes… Ils n’en savent rien. Mais ils racontent quand même !!!!