mes idoles éphémères

Métro.

Certaines circonstances ont voulu que je reprenne les transports en commun. Moi qui étais habitué à la petite reine des villes, je souffre des odeurs et de la promiscuité. En crise de misanthropie aiguë, cela me persécute totalement. Au point de devenir très agressif vis à vis de mes congénères dégénérés.

Ce matin là, fatigué à l’idée de devoir courir au même rythme que cette masse indifférenciée d’individus grégarisés par les conditions matérielles, je m’assois. 

Mon champ de vision détecte alors un mouvement suspect juste à côté de moi. Non, ce n’est pas le mouvement de la robe noire de cette dame voilée. 
Ce n’est pas non plus les doigts frénétiques de cet adolescent en train de 
textoter.

C’est un petit insecte, gras, longiligne, grandes antennes et queues pointues qui se promène. Puis un autre, plus grand. Puis un autre, encore un peu plus grand. Y a donc Joe, le plus petit. J’attends de voir Avrell arriver mais comme d’habitude, il doit se goinfrer de nourritures trouvées ça et là.

Le plus petit s’élance et hop, fait un bond gracieux de plusieurs fois sa taille, un saut si rapide que je n’ai pas eu le temps de percevoir s’il a déployé ses ailes. De ce bond, rapide comme un éclair, il a atterri sur l’ouverture propice d’un sachet de poubelle troué.

Le second, un peu plus grand s’avance aussi. Un peu plus prudent celui ci. Il bouge ses antennes, il se retourne, regarde en direction des yeux géants qui l’observent, quelque part dans ses connections synaptiques, l’adaptation a laissé des traces des nombreux coups reçus par ses aïeux, la phylogenèse est toujours présente dans les neurones.
Puis, le saut. Sans faute. 

Champion du monde toute catégorie du saut en hauteur. Si moi j’avais eu cette capacité, je pourrais franchir facilement une maison de deux étages, me transformer en ninja (shinobi-mono – « celui qui s’évanouit » me semble plus poétique…) des temps modernes… 

Devenir super héros… Aller casser la gueule à toutes ces personnes qui font souffrir mes patients. 
Et je m’éclate de rires.

Pauvre de moi. J’en arrive, dans ce tube fou, à envier le saut en hauteur d’une blatte, survivante apeurée d’un monde fou entre la revenante Cindy Crawford avec son éternel grain de beauté et Mathilde, super maman qui donne son sein tout en faisant ses courses. 
Je n’ose imaginer ce que son bébé pense d’une maman qui montre ses seins à un écran d’ordinateur…

Dans le métro, 6 heures du matin.