délit de sale gueule : hyèfouine

De plus en plus dans les zones de transits comme les transports en commun, notamment sur les Grandes Lignes, les gens qui partent travailler montrent sans aucune pudeur leur personne profonde.
Certes il y a les obsédés du clavier, des mails et des dossiers, certes il y a celles et ceux qui lisent, rêvassent.
La mise en mouvement en état stationnaire, ce « bercement », s’approche peut être des landaus ou des poussettes où portés par un adulte, nous avons découvert le monde. A l’inverse des moyens de locomotion que l’on conduit, de l’âne à la voiture, il y a cette passivité d’être porté-e et amené-e du point a au point b.
Si je continue ma propre rêvasserie, je réalise aussi que c’est un des rares endroits où j’ai toujours envie d’écrire, de laisser une trace de mon nomadisme psychique et d’en faire quelque chose. Je réalise aussi que beaucoup dorment – c’est évident que dans le TGV très matinal qui me transporte, c’est compréhensible… -, mais ceux là sont plutôt mignons.

Celles et ceux sont je veux parler, ce sont ces personnes qui travaillent dans le train. Qui se préparent dans ce « sas » à leur journée de travail. Moi même, il m’est arrive et il m’arrive de travailler dans le train, même si c’est de plus en plus rare. Mais je me demande si je laisse autant paraître mon monde intérieur. Je regarde les gens, je les observe, j’admire les jolies femmes… Certes !

Là dans mon train du matin, un monsieur en costume et cravate, comme mon voisin de siège, sont plongés dans leur ordinateur, leur interlocuteur principal. Les paysages défilent, le soleil brille, non. Le partenaire c’est Outlook.
Je regarde avec une certaine admiration l’agilité de la manipulation du trackpad mais je remarque à la sonate pour clavier que ces deux personnes n’ont jamais appris à taper sur l’ordinateur.

Il n’y a pas cette douce harmonie, des vraies secrétaires, anciennes sténos, dont les doigts dansent, caressent avec douceur le clavier avec leurs deux mains comme sur le piano, avec suspensions, moderato cantabile, piano piano, pianissimo…

Nan. Ici, c’est rugueux, il faut dominer cette sale machine avec laquelle il faut interagir, il faut il faut il faut il faut… Quand seulement 4 doigts d’une main travaillent au lieu des 10, je suppose que les 6 autres en suspension sont en tension. Je ne suis ni kine ni ostéo mais j’imagine que ça doit autant fatiguer les doigts qu’en tapant avec ses deux mains.

Mais, c’est le regard qui frappe. Me frappe, m’interroge. Je ne peux pas ignorer que l’esprit travaille mais je ne peux pas non plus ignorer que cet esprit cherche à dominer le sujet, à soumettre l’interlocuteur à travers l’ordinateur.

Moi même, il m’arrive de pester contre les courriels abusifs, il m’arrive carrément d’en rire ou d’en être furieux.
Mais là c’est autre chose. C’est malicieux, malin, carnassier, et vicieux. Un lion, ça en impose, ça domine mais on ressent la puissance, la prestance, une allure. Non, c’est une hyène et je ne peux m’ôter cette image de mon esprit. Une fouine. Une fouinhyène, non. Une hyèfouine.
J’imagine et cela n’appartient qu’à moi et à mes nombreuses projections… A ce que représenté pour moi et mon imaginaire une fouine et une hyène… et je ne veux pas sombrer dans la morphopsychologie. Mais malgré moi,et avec le nombre important de visages rencontrées dans mon travail, cela « saute » aux yeux.
Les premières impressions…

Je suppose que le développement d’un esprit stratégique – et nous sommes dans un monde de stratégies individuelles de survie et non de défenses collectives organisées -, amène à forcer certains traits de caractère qui deviennent une deuxième peau.

Puis, je jette un coup d’œil a mon voisin qui frappe laborieusement avec ses quatre doigts son clavier de son Dell… Il s’appelle Mr Baudet.