piano, piano…

 

piano, piano…

Avant, je disais les couleurs…
Certains phrasés étaient chauds, d’autres froids, rouges vifs, verts pâles, sonores, indolores, évanescents…

Aujourd’hui, je vois les couleurs, toujours les couleurs, de ce cinéma de la vie quotidienne qui se déroule devant moi, les mots qui s’associent, les mots qui voltigent, les émotions qui dansent, chantent, font leurs spectacles et leurs comédies comme ces funambules sur leurs fils, perchés si haut pour eux, au raz du sol, pour d’autres…
Oui, je vois toujours les couleurs, mais le cinéma, muet qu’il était, certes, plein de couleurs, s’est mué en cinéma sonore, avec une bande son en 3D, comme dans ces cinémas « surround » comme on disait avant. Et là, les couleurs s’animent encore plus, ils se vivifient et la musique, le sonore, transpercent mon ciel onirique à coups de polyphonies chromatique et a-rythmique délicieusement enivrant.

 

piano, piano…

Pourquoi, comme la madeleine de Marcel, certaines sonorités sont-elles indélébilement liées à certaines émotions ? La voix de Souad Massi me transporte dans ces moments où je me devais de danser dans la rue en sortant d’un travail psychique éprouvant pour me libérer et ces mots d’ailleurs dont je ne comprenais rien me libéraient… du poids des autres mots d’ailleurs dont je comprenais la syntaxe mais non la symbolique… Les multiples versions du requiem de Fauré, les cantates de Bach dirigées par Herreweghe, l’Aria des Variations Goldberg, 1982, le meilleur Glenn au piano… bien que parfois, je le préfère à Moscou en 57… Qu’est-ce qu’il est allé faire en union soviétique avec son Steinway castré et châtré ? Bill Evans et son phrasé pianistique extraordinaire, le concert donné à Cologne par Keith, découvert sur une vieille cassette toute pourrie en 1976, deux ans après l’enregistrement, sur le lecteur sony de mon père… l’Oud d’Anouar Brahem, le coup d’archet de Hilary Hahn sur les partita, ou Bach, encore Bach…, les mêmes partita joués par Perlman et son attaque si virile ! la voix enivrante d’une Ute Lemper qui chante mes amants… en français avec cet accent si subliment germanique, Barbara, ma plus belle histoire d’amour c’est vous, Brel à Amsterdam… etc… etc… etc… ces sons qui sont liés à des émotions…

 

piano, piano…

elle trouve que le fauteuil, – qui, selon moi, malgré toute ma cosmogonie ne peut pas réaliser qu’il se soit transformé depuis la dernière séance… – est bizarre, d’habitude, elle le trouvait plus raide et plus dur… ce joli « repose-cul » est un sujet à transfert merveilleux. Je ris en moi, je n’ose exploser et envahir mon espace de mon rire si communicatif. Je m’en mords presque les lèvres… bien sûr, elle a compris… sans en avoir l’air…

 

piano, piano…

ça doit être ça, la bouteille… je ferme les yeux et je me transporte…
de pouvoir écouter la musique… au lieu de regarder le film…
et après ? y a quoi ?