« a-vitalité »

 

 

Cela faisait quelques années que je ne l’avais pas vue.

Quand je l’ai rencontrée, elle était pleine de vie, belle et rayonnante.

J’avais gardé d’elle une image douce, belle, sereine, vivante…

Les années ont tracé leurs sillons sur son visage.

Moi aussi, j’ai du vieillir autant.

Je soupire en me remémorant le temps d’avant.

 

Ce qui me frappe le plus, ce sont les coups de butoirs que je subis, depuis que je me suis assis en face d’elle et que je la regarde vraiment.

Je subis les coups de celles et ceux qui la hantent…

Son visage est gris, son regard haineux, ses pupilles, un trou noir…

Pourtant, je n’ai rien fait… à part respirer un peu plus la vie… d’être vivant…

 

Je me sens aspiré, vidé de ma substance comme par les détraqueurs dont les lecteurs de Harry Potter reconnaitront…

Pour m’en défendre, je ne peux que fermer les yeux, regarder dans l’ailleurs, vers d’autres cieux, m’évader, rêver…

 

Je l’ai déjà évoqué à d’autres moments, si je suis imprégné de psychanalyse freudienne, ferenczienne et d’autres… Je ne suis pas analyste.

Mais ce que ces années d’analyse m’ont chevillé au corps et ce que ces heures passées sur un divan m’ont imprimé en moi, c’est ce désir viscéral de vie et de lutter contre mes propres stratégies défensives… Je ne dis pas que c’est terminé… Je n’aurais certainement pas cette prétention, d’ailleurs, je mets au défi n’importe quel clinicien et clinicienne de me dire que ça est terminé.

 

Là, son « masque du faux-vrai-semblant de je vais tellement bien que je suis heureuse », suinte le mortifère, la destruction, la haine… ça ne pue même pas la mort… qui serait, j’ai envie de dire, une fin en soi, non…

ça pue la dévitalisation voire même, si néologisme est accepté, l’a-vitalisation.

 

Et cette « a-vitalisation » est la conséquence et je ne peux m’empêcher de le percevoir, d’une non élaboration psychique des traumas successifs, reçus et infligés…

Les fantômes et les ombres hantent l’esprit et le corps, ne peuvent plus rien sucer de la vie qui est, ils les habitent comme leur coquille vide pour en conquérir d’autres…

 

La limite de notre champ d’action est la demande. Là où il n’y a pas de demande, l’interprétation de cette même situation, le « en dire quelque chose » devient déjà de la violence inouïe…

Mais subir ses/ces fantômes haineux ne devait pas faire partie de cette rencontre…

 

Je les balais, je les repousse, je ne leur parle pas.

Je les renvoie à leur propriétaire phagocytée avec douceur et fermeté, je leur ferme la porte.

Ils vocifèrent, ils cognent sur la porte, ils grincent, ils menacent de mettre le feu, ils arrachent les poignets… Non. Ils ne rentreront pas, car ils ne peuvent pas entrer là où je suis, dans ma rêverie intérieure à moi où d’autres esprits habitent et me protègent…

 

Où la vie est plus forte que la mort, puisque notre combat de tous les jours est de repousser au lendemain notre fin certaine.