folies douces… douces folies partagées

J’ai une tendresse infinie pour les folles et les fous ordinaires qui fréquentent parfois mon cabinet.

 

Parce que la petite folie, l’ordinaire, du quotidien, celle qui ne fait pas fuir… est tellement plus belle que les « grandes » folies… de toutes les façons, ne vivons nous pas déjà dans un monde de fou ? Les institutions sont devenues folles, les entreprises aussi, je n’ose même pas évoquer le fonctionnement des Etats…

Tout le monde délire… sans oser penser et admettre qu’ils délirent réellement.

Moi, si je ne délire pas, je ne peux délier.

 

Mon dernier est rentré, tout de vert vêtu.

Son haut est vert, son sweat est vert, son t-shirt est vert.

Ses lunettes sont vertes, plutôt fluorescentes, son pantalon l’est tout autant.

La seule chose qui tranche avec ces couleurs, sont ces chaussures. Blanches.

J’imagine que le vert est couleur de l’espoir… dans le désespoir existentiel dans lequel il est coincé…

 

Il me dit qu’il m’avait choisi parce que j’étais asiatique et il aimait mieux parler à un asiatique. Je ne sais pas ce qu’est un asiatique pour lui, mais j’imagine que c’était bien.

 

Il me parle de son travail, des racistes à son travail, ses quarteronnes de filles qui sont souvent victimes de racisme dans la rue…

 

Il sait qu’il se sent persécuté, mais qui ne le serait pas un peu, dans le monde d’évaluation constante où le sens de l’Etat se confond avec la hausse ou la baisse des agences de notations et du cours du Nasdaq ?

 

Il a conscience qu’il est maltraité, qu’il n’a pas à se laisser faire, que ses collègues ont trois ans et pensent être dans une cour de récréation dans cette entreprise… Qu’il se fait bousculer, qu’il se fait conspuer. Mais malgré tout, il regarde, lucide, ces « racistes » qui ne connaissent pas le travail et qui ne comprennent pas la quintessence moelle de ses missions…

« Bien évidemment, je n’ai pas besoin de le souligner, je suis français de souche, blanc de chez blanc » dit-il un brin moqueur…

 

Une fois les choses posées, apaisées, détendues, il repart…

 

Puis, raide comme un i, le salut militaire n’est pas loin, il me dit juste dans l’entrebâillement de la porte… avec un sourire et des yeux pétillants de malices : « Merci pour ce moment apaisant. Vous m’avez vraiment rendu Zen. »

 

Je n’ai pas pu m’empêcher de rires aux éclats.