Coiffure-thérapie

 

Elle rentre, tout son corps dénonce une plainte hystérique des douleurs de vivre.

 

Elle tombe sur le fauteuil, poussant mille soupirs profonds qui font trembler tout le salon.
La coiffeuse l’accueille, chaleureusement, juste ce qu’il faut d’humanité – quelle doigtée clinique à cet instant précis où l’humanité s’exprime par un regard, une parole, un geste, j’enverrai tous les jeunes psy en stage chez elle, juste pour capter ce « geste de métier » là – , la laisse descendre de sa dénonciation hystérisante, ses larmes, ses soupirs, ses gestes…

Elle vient se faire coiffer au sens littéral du terme, juste se faire brosser ces (ses ?) cheveux en bataille, en guerre, en tension, je la vois s’en arracher à chaque soupir, à chaque cri, à chaque fois qu’elle lève les yeux au ciel !!!

Ah ! Cette putain de vie !

Misérable existence terrestre !

 

Puis, au fur et à mesure que la brosse s’abat sur elle, que ses cheveux se lissent, que sa tête prend forme et la voilà qui finit… lavée, levée de ses plaintes…

 

La séance a duré vingt minutes.
Trente quatre euros.

 

Elle paie, puis dit : « à demain ».

 

Pour combien de dames, de messieurs, le salon de coiffure est-il cet endroit exutoire où l’intime s’entremêle à son paraître (par-être) et où le « coiffer » masque comme une perruque, une thérapie qui ne dit pas son nom ?

 

C’est, dans ce quotidien là que s’invente la thérapie, loin des cabinets obscurs et des jargons défensifs, au-delà des apprentissages savants de théories insipides qui ne se parlent qu’à elles-mêmes.

Puis, je me rends compte à quel point, dans cette pièce ornée de miroirs à l’infini, mon regard, mon écoute, mon corps entend… ma déformation professionnelle dans ma quotidienneté… qui m’apprend et qui me rend humble dans ma pratique professionnelle… tellement d’autres font mieux que moi.