Bleus livides limpides froids et mortifères

 

La mort rôde dans ces couloirs aux couleurs trop vives pour paraître vraies. Les couleurs font semblant d’apporter une chaleur dont la texture n’ose porter l’odeur. Les bureaux se succèdent, les lampes à consommation réduite diffusent une lumière blanche, livide, grise, froide, dense…

Face à cette faux qui fend l’air de ces contrées glacées, les âmes brûlent et broient leurs proies avec un élan d’une saveur exquise et doucereuse, abusant de maux qui ne veulent rien dire, s’enivrant de mots qui ne veulent rien exprimer.

La salle est sombre, sombre au milieu de ces débris symboliques qui rongent les murs et suintent de mains ensanglantées qui écrivent leurs douleurs de fresques malodorantes où figurent les tortures les plus intenses que la perversité puisse imaginer… L’inimaginable est là, devant moi, dans ces choses qui transpirent des pores de ces murs.

Elle s’est assise et la première fois que je l’ai vue, je l’ai trouvée douce et agréable. Une vraie chaleur semblait se dégager d’un corps frêle et fragile, une tenue du corps qui en dit long sur une éducation stricte, subie et consentie, portée comme une armure de chevalier.
Des yeux bleus cristallins, une voix d’alto, avec des tonalités résonnantes, j’oserais penser, apaisantes… Des yeux bleus entourés d’un visage doux, je ne saurais dire si elle est belle ou non. Mais elle ressemble à un mélange de deux actrices connues, Marine Delterme pour ne pas la citer et Delphine Chaneac…
Ses émotions ne paraissent que sur la lisière des yeux… Les yeux rougissent, ses lèvres se pincent et son regard s’affaisse… Terrible, cette soumission à soi-même et à ce qui lui a été dit qu’elle se devait d’être…

La seconde fois, je l’ai trouvée meurtrie. C’est le mot exact. Enfin. Je crois.
Les yeux, bleus, cristallins… et la lisière… rougit par le désarroi et l’incertitude, comme si, là, l’étouffement n’était pas loin, comme si, la question des autres ne se posait plus, sauve qui peut…
Puis, je lance une bulle d’air, j’essaie de la contenir, de l’apaiser…
Une profonde envie, au fond de moi, de la prendre contre moi, de la réchauffer… une enfant qui se meurt…

La fois suivante, l’enfant morte, dans l’entre-deux des limbes, les mêmes yeux bleus cristallins, luisants d’une colère froide et dense, d’une profondeur abyssale mortifère…
Cette lumière, je la connais. Trop bien, je crois, à mon corps défendant. C’est la lumière de l’enfant des limbes, dont la mort lui a ôté le nom.
L’armure était toujours là, tenue, solide, raide, froide, contenant désarticulé… Le corps n’y était plus, désincarné, consumé dans ce combat perdu d’avance face auquel elle n’a pas pu faire front.
Et ces yeux, si bleus, si beaux, si profonds… livides, me dévoraient de mille feux de la mort qui la ronge de l’intérieur, comme si, le seul fait que je reconnaisse cette lumière là, réveillait en elle la faux.
Si elle avait pu, elle se serait jetée sur moi pour planter ses crocs et me sucer le sang jusqu’à ce que ma mort psychique survienne.