après l’incipit, le carrefour

Après l’incipit, dont nous avons parlé précédemment, il y a le carrefour…

C’est un instant étonnant.

C’est le moment où la-le psychologue du travail est interrogé-e sur et dans son désir d’aller plus loin.

C’est le moment où je me dis : « Ai-je vraiment envie d’aller là où il-elle me mène et où je sais que l’aventure sera grande… »

C’est aussi le moment où je m’arrête et je me mets à rêver…

Une lueur de légèreté avant la tempête… Car je sais que la tempête n’est pas loin. Un peu comme ce temps de mai.

Dans la grande majorité des cas, pour ne pas dire la totalité, mon instinct clinique et il s’agit bien de cela, (Wilfried Bion dit par exemple que ce ne sont que lors des premières séances que la théorie nous aide… Après, ce n’est qu’expériences…) me guide.

Et dans la majorité des carrefours, j’emprunte le chemin où je pense qu’il est possible pour moi d’aller sur le chemin de l’aventure avec le/la patient-e.

Oui, lorsque les défenses viriles et autres stratégies de défense sont dressées, personne ne parle d’aventure… Nous employons des mots savants pour dire les choses. Me concernant, je n’aime pas les mots savants, car ils se transforment souvent en maux savants et cette violence là est abjecte.

Car nous savons aussi qu’en faisant ce choix, et c’est certainement la seule certitude que nous avons, c’est que ce chemin ne sera pas un long fleuve tranquille où tout se passera bien.

Non.

Nous passerons par des chemins sinueux, avec de longs détours par des vallées jonchées d’horreurs pestilentielles, par des montagnes arides escarpées qui nous déchireront, par des déserts sans fin où les rares oasis seront des mirages, par des doux lacs sous lesquels seront tapis des monstres inestimables, des océans déchaînés où d’énormes cafards marins voudront nous dévorer… et j’en passe…

Et pourtant, au gré de ce marché bigarré d’horreurs, assis sur un fauteuil, pointeront du bout de leur nez, des bourgeons annonciateurs de printemps, des sourires accueillants et vrais, des havres de paix chaleureux et multicolores, des moments de tendresses et de rires joyeux.

La vie a cette force : Celle de reconquérir des territoires massacrés, par la restauration de la Loi.

Puis un jour, les couleurs ternes qui ornaient les visages s’en iront, les yeux scintilleront à nouveau, l’iris brillera de nouveau, le corps commencera à parler des oripeaux (horribles peaux ?) qui sont partis, révélant alors des chemins de vies où la-le patient-e n’aura plus besoin de nous.

La traversée aura eu lieu, le passeur lâchera la main et regardera la silhouette disparaître non sans regret et se remémorera la chanson de Brassens.

Mais bêtement, même en orage,
Les routes vont vers des pays ;
Bientôt le sien fit un barrage
A l’horizon de ma folie !
Il a fallu qu’elle me quitte,
Après m’avoir dit grand merci.
Et je l’ai vu’, toute petite,
Partir gaiement vers mon oubli…

Cet article a été précédemment publié en mai 2014 sur iVa.