passer d’une écoute à l’autre…

L’autre jour, un ami clinicien est venu me voir, nous discutons de tout et de rien, de la famille, de nos dernières vacances…

Puis, tout à coup, notre conversation bascule vers notre sujet favori : la clinique.

Je sens alors en moi, très subrepticement, cette bascule dans l’oreille, je réalise dans l’après-coup que mon écoute s’est centrée, transformée, transférée, sans qu’aucun ordre conscient ne lui ait été donné.

 

Avant, dans la jeunesse de cet exercice, cette bascule était le résultat d’une action volontaire.

J’avais besoin de me rassurer en trouvant toujours le même environnement, où j’avais besoin de planter « le même décor » pour exercer.

Bien évidemment, c’est un outillage, un habillage défensif de ma part, cette « armure » que l’on enfile pour aller au combat de mon écoute.

 

Il m’est arrivé de travailler dans des bureaux d’autres collègues psychologues.

Parmi ceux qui ont un bureau qui les sépare de leur patient, le fait qu’il y ait des objets ou non sur la table me parle beaucoup.

Certains érigent les présentoirs à papiers et les boîtes de mouchoirs en guise de muraille de Chine… d’autres ont des tables, rases, désertes… vides…

 

La bascule, ce switching, je l’ai pour mon bilinguisme.

Passer de ma langue seconde et professionnelle qu’est le français à ma langue maternelle et intime, se fait chez moi de manière automatique, voire transparente. Sans y penser, dirait-on.

 

La bascule entre mes deux modes d’écoute n’est pas aussi automatique, loin de là car ma « seconde » a été apprise au fil du temps, affinée à l’aube des rencontres, grâce à cette chose étonnante et mobilisable qu’est la « bouteille », le kaleidoscope des expériences corporelles et émotionnelles de ce que d’autres m’ont déposé et qui me parlent…

 

Ecrit dans le métro, lors d’un incident technique…