pacifique et sisyphe…

 

Je m’arrête depuis quelques jours, dans les couloirs du métro, devant cette terriblement belle photographie de Marguerite Duras prise lorsqu’elle était toute jeune… A l’époque du Barrage…

 

Peut-être parce qu’il n’était pas loin de là où je suis né, le Pacifique, que je ne ressens plus les choses de la même façon.

Peut-être aussi parce que j’ai l’impression de tenter de le construire, ce mur… sur le Pacifique.

Si c’était aussi pacifique qu’on noue le laisse croire, ça serait si bien. Et pourtant, ça n’a rien de pacifique que ce que cela en a l’air… C’est même houleux, dangereux, violent…

 

Aujourd’hui, devant la déferlante des attaques répétées à la vie, devant la répétition de ces attaques, je me sens comme cette mère… devant la mer, faisant face, digne, certes, mais comment rester digne lorsque je suis secoué comme Le Créac’h pendant les orageuses d’hiver ?

 

Je ne devrais pas m’impliquer autant, corps et âme, certainement. Garder mes distances et ne pas m’en faire… Les temps tournent, les époques changent… La France a connu pire… La France a connu mieux… Relativiser…

Mais comme relativiser lorsque la relativité ne peut plus contenir l’immondice ?

 

Je devrais peut-être capituler, au nom d’un réalisme relativiste ambiant. Mais je ne peux capituler. Je ne peux capituler, parce que capituler, c’est reconnaître que l’horreur a raison de la vie, que les pulsions de mort ont eu raison de moi.

 

Et c’est là que le syndrome du Sisyphe m’apparait pleinement.

Cela n’arrête pas.

Cela ne s’arrête pas, comme un ras de marée…

Il y a de plus en plus de personnes qui viennent me voir.

Consulter le psychologue du travail en disant, pour certaines, pudiquement, qu’elles ont un problème au travail.

 

Et pour chaque rencontre, pour chaque situation, remettre le travail sur le métier, considérer que pour cette personne, même s’il est 18 heures et qu’elle est ma huitième patiente de la journée, son rendez vous est le premier…

 

Et le soir, en ayant fermé la consultation, ressentir dans la force du silence du lieu, quelque chose qui me porte. Qui me ramène chez moi où je n’ai pas envie que ces fantômes, qui me sucent la moelle, entrent chez moi.

 

Je marche pour digérer les différentes émotions, sensations, inconscients qui me traversent… J’essaie de contenir et d’alimenter le feu qui veille en moi, qui lutte contre le froid, l’hiver, le crachin de l’automne..

 

Et le soir, dans le silence, j’écris aussi, parce que je dois me libérer de ça, parce que demain matin, je remets le travail sur le métier…

Parce que celles et ceux du lendemain n’ont pas à pâtir de mon manque de recyclage…

Même si, parfois, ce recyclage est un travail de Titan qui me demande de mobiliser la méditation et le sommeil de la meilleure qualité qui soit.

 

D’ailleurs, je vais aller, de ce pas, rejoindre Morphée.