il hurle…

 

L’homme vient de heurter le sol…

Comme un arbre foudroyé, il vient de tomber.

 

Il tombe, il heurte le sol, sans cri, sans rien, comme cet arbre qui sombre dans l’eau…

 

Ce lâcher-prise fascine, sidère, affecte.

Et les cris ne sortent pas, les corps sont figés.

 

Puis, l’homme se meut, tremble, se secoue…

Ses mouvements ne sont plus cohérents, deviennent saccadés, évanescents. Comme si ses mouvements nous ramenaient à la réalité, celle de la souffrance, de la douleur, de la crise aiguë, cette chose qu’est la lutte contre la mort, quotidienne, cette force qui repousse chaque instant les limites de la vie.

 

Il se réveille…

Il ne sait pas où il réside, il ne sait pas où il est tombé. Il ne sait plus rien. Il est maculé de sang, il ne sait pas pourquoi, tout est surprenant, tout est différent, tout est étrange. Il était bien habillé, il se réveillé souillé. Il était bien coiffé, il est plein de sang coagulé.

Son corps est meurtri, ses membres sont ankylosés, il ne sent plus ses phalanges qui se sont enfoncés dans le sol. Il veut partir. Il se lève, il titube, il se regarde dans le miroir, il hurle, il crie. Il se reconnaît mais ne se reconnaît pas.

Il se retourne et il hurle.

 

Il a déjà hurlé plusieurs fois de suite. Il a hurlé parce qu’il ne savait pas où il était. Il a hurlé parce qu’il pensait qu’on lui faisait du mal. Comme si quelqu’un le torturait. Comme si quelqu’un voulait le frapper, le tuer…

L’homme hurle parce qu’il a peur, comme un enfant que l’on bat, il se protège des bras, les yeux sont apeurés, il ne sait plus. Il est profondément perdu…

En lui, dans la réalité. Le monde s’est évanoui.

 

La voix le ramène à la réalité, il réalise en se regardant dans le miroir, même si, à un moment donné, c’est son étrangeté qu’il voit. Il se nettoie, se frotte, se réveille au contact de l’eau.

 

Je lui demande ce qu’il fait, où il pense être… Ce qu’il venait faire ici, là, dans cet endroit incongru…

 

A l’arrivée des hommes en uniformes, il se fera soigner, assis cherchant mon regard, le calme… Personne ne lui fera du mal ici.

 

La clinique, c’est la vie qui nous l’apprend, pas les livres et ses théories si belles à lire pour s’endormir le soir.

Prendre soin, c’est engager son corps et son esprit dans une relation à tout moment, où nous devons porter, bercer, rassurer, soutenir et contenir…