percuté

 

Uppercut dit-on aussi en anglais pour ces coups de boxe terribles qui viennent d’en bas et qui mettent parfois les boxeurs KO.

 

Bien évidemment, ce qui se passe dans un cabinet de consultation en psychologie du travail est loin d’être aussi violent et spectaculaire qu’un combat de boxe. C’est même l’inverse, l’ambiance feutrée et silencieuse, permet d’établir une distance entre la violence ressentie et l’expérience corporelle dans la situation.

 

Ce matin, ça a été nouveau moi.

 

Elle s’est assise, elle était tendue, raide comme un I, se demandant comme elle allait être reçue. Plus tard, j’ai compris pourquoi elle était sur cette ligne Maginot corporelle… Elle avait tellement été maltraitée par les autres « soignants » précédents qu’elle avait rencontrés…

Le temps passant, la présence aidant, elle s’est radoucie, détendue, reprise, elle s’est mise à se mouvoir dans l’espace…

 

Elle portait derrière elle des esprits, des choses étonnantes qui tournoyaient autour d’elle et qui dégageaient une drôle d’énergie.

Je ne m’en suis pas aperçu au début.

Je ne me prépare jamais à être assailli par des monstres invisibles et indicibles.

 

Sa situation est catastrophique, nous étions dans la traversée de l’état de non droit où les droits élémentaires (ici, sa santé) étaient bafoués par des humains déshumanisés… Heureusement que le processus de destruction de la civilisation s’arrête sur le seuil de là où elle travaille… quoi que ?

 

Toutefois, je travaille au quotidien avec ça.

Mais là, le coup est venu de je ne sais où, d’un regard ? d’une pensée ? d’une rêverie dont j’ai le secret et qui me permette de survivre dans ces traversées des vallées de la mort dans le monde du travail ?

Non, il n’est venu de nulle part, il m’a saisi le coeur (le coeur s’est mis à s’élancer et à se crisper – cela fait quelques jours que je suis fatigué et que je ressens cette « blessure » profonde au coeur), m’a empêché de respirer, comme une crise vagale… en pleine consultation…

 

Aucun psy ne raconte ses turpitudes de cette manière, j’imagine ! Mais là !

 

Il est admis qu’en clinique du travail, où il y a ce mélange du psychique, du social et du sociétal, que les psy ont du mal à se défendre des ré-percussions (des résonances) du mal. Le mal est incarné, a même parfois un visage, il va au-delà des représentations… Et l’intersubjectivité phénoménologique (les psychanalystes me banniraient à coups de manches à balais, je suppose, mais je ne suis pas psychanalyste…) présente dans cette relation clinique (d)étonnante, percute (je ne trouve pas d’autres termes) sur mon corps qui est alors plus qu’un réceptacle à la projection classique. C’est au-delà de la projection que mon corps est travaillé, je sens mes failles qui vibrent, les méridiens qui tanguent, les déséquilibres énergétiques qui me perturbent…

J’ai des aïeux polythéistes, sur plusieurs générations, qui vivaient avec les esprits. J’en suis sensible grâce/à cause d’eux. Mais les esprits bienfaisants comme malfaisants pénètrent au-delà de l’enveloppe charnelle et viennent habiter en soi. Puisque c’est bien là leur puissance et il n’est possible de les entendre qu’en étant habité.

 

Ceux là sont passés pour me cogner, la dame est partie, radieuse…

Et moi, je suis resté KO sur le carreau.